Pensées métaphysiques/Deuxième partie/chapitre XI

De Spinoza et Nous.
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Version actuelle en date du 7 janvier 2017 à 03:43


Pensées métaphysiques


Baruch Spinoza


Deuxième partie, chapitre XI :
Du concours de Dieu



Il reste peu de chose ou même il ne reste rien à dire au sujet de cet attribut après que nous avons montré que Dieu, à chaque instant, crée continûment une chose, pour ainsi dire, à nouveau ; d’où nous avons déduit que les choses n’ont jamais d’elles-mêmes aucune puissance pour produire quoi que ce soit ni pour se déterminer à aucune action ; et cela n’a pas seulement lieu dans les choses extérieures à l’homme mais dans la volonté humaine elle-même. Nous avons ensuite répondu aussi à certains arguments concernant ce point, et, bien que beaucoup d’autres soient allégués d’ordinaire, comme cela regarde surtout la Théologie, je n’ai pas l’intention d’y insister.

Comme il y a toutefois beaucoup d’hommes qui admettent le concours de Dieu et le prennent dans un sens tout autre que celui que nous avons indiqué, il convient d’observer ici, pour découvrir plus aisément leur erreur, ce que nous avons démontré antérieurement : à savoir que le temps présent n’a aucune connexion avec le futur (voir Axiome 10, partie I) et que cela est clairement et distinctement perçu par nous. Et si l’on prend sérieusement garde à cela, il se pourra répondre sans aucune difficulté à toute argumentation adverse pouvant être tirée de la Philosophie.


[modifier] En quoi consiste l’action conservatrice de Dieu dans les choses qui doivent être déterminées à agir.

- Pour ne pas avoir cependant touché ce point en vain nous répondrons, en passant, à cette question : Si quelque chose s’ajoute à l’action conservatrice de Dieu quand il détermine une chose à agir ? En parlant du mouvement d’ailleurs nous y avons déjà en quelque mesure répondu. Nous disions en effet que Dieu conserve la même quantité de mouvement dans la Nature. Si donc nous avons égard à toute la Nature matérielle, il n’est rien ajouté de nouveau à l’action qui la conserve ; mais si nous avons égard aux choses particulières, il se peut dire en quelque manière que quelque chose de nouveau s’y ajoute. On ne voit pas si cela a lieu aussi dans les choses spirituelles ; car il ne semble pas qu’il y ait entre elles la même dépendance mutuelle. Enfin, comme les parties de la durée n’ont entre elles aucune connexion, nous pouvons dire que Dieu ne conserve pas tant les choses que, plus exactement, il ne les procrée à chaque instant ; si donc un homme a actuellement une liberté déterminée à faire quelque action, on devra dire que Dieu l’a ainsi créé à ce moment même. Et à cela ne s’oppose pas que la volonté humaine soit souvent déterminée par des choses extérieures à elle, et que toutes les choses qui sont dans la Nature soient mutuellement déterminées les unes par les autres à quelque action ; car ces choses aussi sont ainsi déterminées par Dieu. Nulle chose ne peut déterminer une volonté et inversement nulle volonté ne peut se déterminer sinon par la seule puissance de Dieu. Comment cependant cela se concilie avec la liberté humaine ou comment Dieu peut faire cela tout en maintenant la liberté humaine, nous avouons l’ignorer ; nous avons souvent déjà parlé de cela.


[modifier] La division vulgaire des attributs de Dieu est plutôt nominale que réelle.

– Voilà ce que j’avais décidé de dire au sujet des attributs de Dieu, parmi lesquels je n’ai, jusqu’ici, établi aucune division. Pour celle qui se trouve maintes fois dans les Auteurs, je parle de ceux qui divisent les attributs de Dieu en incommunicables et communicables, pour dire la vérité, elle me semble plus nominale que réelle. Car la science de Dieu ne concorde pas plus avec la science humaine que le Chien, signe céleste, avec le chien qui est un animal aboyant, et peut-être lui ressemble-t-elle encore moins.


[modifier] Division propre à l’Auteur.

– Quant à nous, voici notre division. Il y a des attributs de Dieu qui expliquent son essence active ; il y en a d’autres qui n’exposent rien de son action mais bien son mode d’existence. De ce dernier genre sont l’unité, l’éternité, la nécessité, etc. Du premier la connaissance, la volonté, la vie, l’omnipotence, etc. Cette division est suffisamment claire et nette et embrasse tous les attributs de Dieu.



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